Pour beaucoup la République démocratique du Congo ce sont les pygmées, Brazzaville, Tintin, la colonisation voire même le pétrole. Aujourd'hui le Congo c'est aussi Denis Mukwege. Quel est l'intérêt de parler d'un gynécologue ? Et si le Congo c'était aussi le viol comme arme de guerre ? Denis Mukwege fait partie des ces hommes qui au péril de leur vie dénoncent ce crime et se battent pour sauver ces femmes.
Denis Mukwege est le genre de personne plusieurs fois pressenti pour le prix Nobel de la paix et que la communauté internationale a déjà récompensé de distinctions toutes plus prestigieuses les unes que les autres. L'africain de l'année 2009 est aussi le genre de personne qu'on a voulu tuer, faire taire depuis des années et sa lutte pour défendre ces femmes violées. C'était le 25 octobre, à Bukavu la capitale du Sud-Kivu, que cinq hommes armés se sont introduits dans sa demeure attendant le retour du docteur. Au moment où il allait être exécuté un de ses employés s'est jeté sur un des agresseurs en donnant l'alerte. Il fut exécuté. Miraculé, il en est au sixième attentat contre sa personne. En quelques heures, la rumeur de son attaque a fait le tour du monde et a suscité nombres de réactions mêlant stupeur et indignation. Des messages de soutien sont arrivés de toutes parts, d'associations, d'organisations internationales comme Amnesty International, Médecins du monde mais aussi des gouvernements occidentaux. Le célèbre chroniqueur du New York Times, Nicholas Kistof a fait le lien entre cet attentat et le discours de Mukwege quelques jours plus tôt à la tribune des Nations Unies dénonçant l'impunité des violeurs du Congo. "On a tenté d'assassiner un de mes héros!" a-t-il ajouté sur son blog.
C'est dans la ville ou il est né à Bukavu, que les réactions de soutien ont été les plus remarquables. Créant un hôpital en 1999 dans cette ville, il a opéré et accueilli plus de 40 000 femmes violées et mutilées de sa région en 13 ans. Après sa fuite vers le Burundi puis l'Europe, le docteur manque à la communauté sur place.
Une opération ville morte a été organisée le 31 octobre pour protester contre l'insécurité. Une association de Congolaises pour la paix a lancé un appel au retour de Mukwege et pour se faire "nous allons livrer à l'hôpital les récoltes de nos champs, nos bananes, nos ananas, nos choux, pour acheter son billet d'avion retour. Et ce sont nous, les femmes, qui allons nous relayer jour et nuit, devant sa résidence pour assurer sa sécurité. De grâce qu'il nous revienne !" Que dire de plus ?
Après une rencontre le 6 novembre avec les journaliste du Monde, Denis Mukwege paraissait accablé. Annick Cojean écrit à la suite de cet entretien que le docteur est "las de parler dans le vide. Las de vouloir secouer en vain les consciences. Las de raconter à toutes sortes d'auditoires la tragédie des femmes du Congo sans que rien se passe. Las de décrire les viols et tortures effroyables, de citer des chiffres à donner le tournis (500 000 femmes violées en seize ans, dit-il), sans qu'aucune volonté politique internationale ne s'exprime pour prendre de vraies mesures. Las aussi de recevoir des prix et des hommages sans que les organisations gouvernementales n'envisagent de solutions autres que médicales".
L'Homme qui répare les femmes selon le mot de Colette Braeckman (André Versaille éditeur, 14,90€) ne les laissera jamais tomber. Tôt ou tard il reviendra à Bukavu et continuera son lourd labeur afin de sauver ces femmes détruites par une guerre détruisant tout sur son passage.
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