La voix de la forêt


C’est le combat de David contre Goliath, mais Raoni, 82 ans, ne désarme pas. Cela fait 23 ans que la figure emblématique des Indiens d’Amazonie parcourt épisodiquement le monde, dénonçant la confiscation des terres pour des projets économiques inadaptés, la déforestation massive.



Le chef indien brésilien Raoni, ardent et célèbre défenseur de la forêt amazonienne, a plaidé mardi au Parlement européen à Strasbourg pour que l'Europe intervienne auprès du gouvernement brésilien pour empêcher un projet de barrage géant hydroélectrique.«J'aimerais vous demander, à vous les Européens, de parler de ce problème avec le gouvernement brésilien, de lui faire passer un message pour qu'il nous respecte en tant que peuple indigène», a déclaré lors d'une conférence de presse au Parlement européen le chef amérindien, qui arborait une coiffe à plumes jaunes et son fameux plateau labial.
«Je suis venu dire aux dirigeants de ce monde que notre peuple a besoin de sa forêt pour vivre. Autour de moi, je vois tous les arbres qu’on abat, or la forêt sert à refroidir la terre et stoppe le vent. J’aimerais qu’on nous écoute», a-t-il expliqué hier.
Raoni, devenu mondialement célèbre à la fin des années 1980 pour son action écologique aux côtés du chanteur Sting, effectue actuellement une tournée en Europe qui l'a mené en France, en Allemagne, en Suisse et aux Pays-Bas. 
Aidé par le chanteur Sting, Raoni avait lancé un premier appel contre la déforestation en 1989. Dans les années qui suivent, il rencontre François Mitterrand, Jacques Chirac, le roi Juan Carlos, le prince Charles, Jean-Paul II. C’est de Mitterrand que Raoni garde le meilleur souvenir. «Quand je l’ai vu, j’ai posé mes mains sur sa tête et je lui ai demandé: Mais où sont tes cheveux? Chez les Kayapos, personne n’est chauve», raconte-t-il.
 Dans un Brésil plus qu’émergent, résolu à devenir l’une des grandes puissances du monde, «jamais la pression politique et économique n’a été aussi forte sur les peuples d’Amazonie», souligne Christophe Wiedmer, de l’ONG suisse Société pour les peuples menacés. L’un des plus grands chantiers actuels du monde, le barrage hydroélectrique de Belo Monte, appelé à participer à la modernisation du Brésil, incarne à lui seul ce combat inégal. En 1989, aux côtés de Sting, le chef Raoni avait réussi à faire reculer la Banque mondiale et le FMI qui soutenaient le projet. En 2004, c’est le président Lula, à la tête d’un Brésil en plein essor, qui le ressortait en toute autonomie. Désormais voulu par la nation, le rouleau compresseur du développement économique semble bien plus difficile à arrêter pour les peuples autochtones.
Quelle leçon de lucidité et d'humilité pour les Occidentaux que la venue en Europe de Raoni, cet amérindien Kayapos de 82 ans issu d'un peuple de cueilleurs-chasseurs et qui porte haut la cause de la nature et de l'environnement.

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